Ada, Talentueuses: l'Etat mise sur le coaching pour féminiser son encadrement

"L'ambition, c'est de lever les freins": pour féminiser davantage ses postes de direction, l'Etat mise sur le coaching des hautes fonctionnaires, de façon à dépasser l'autocensure et à construire des réseaux de dirigeantes du secteur public.

"Les femmes dirigeantes osent moins se mettre en avant", déplore auprès de l'AFP Cornelia Findeisen, cheffe du département ressources humaines de la filière numérique de l'Etat.

Pour ces hautes fonctionnaires, la "difficulté" ne réside pas tant dans les "compétences techniques" ou le manque d'expérience que dans la "solitude" et le manque de confiance en elles, ajoute-t-elle.

Pour tenter d'y remédier, la direction interministérielle du numérique a lancé en 2019 le programme de coaching Ada, destiné à accompagner dans leur carrière les professionnelles du numérique de l'Etat, qu'il s'agisse simplement de changer de poste ou de monter en grade.

La filière numérique de l'Etat ne compte en effet que 25% de femmes, un pourcentage modeste en comparaison des 63% d'agentes publiques en France.

Les femmes sont aussi sous-représentées (43%) dans les emplois de catégorie A+, les mieux rémunérés et les plus prestigieux de la fonction publique.

D'où le lancement en 2021 d'un autre programme de coaching, intitulé "Talentueuses" et pensé pour favoriser l'accession des femmes aux postes à responsabilités de la fonction publique d'Etat.

D'une durée de sept mois, il vise à "mieux se connaître, mieux se valoriser et mieux se projeter", résume sa responsable Claire de Mazancourt.

Pour y parvenir, les participantes alternent conférences, ateliers, séances individuelles ou collectives de coaching et mentorat.

"On a fait un stage avec le GIGN pour mieux nous connaître, oser, avoir confiance", se souvient Virginie Pucelle, issue de la première promotion des "Talentueuses" (2021-2022) et promue à un poste de directrice adjointe en Bourgogne-Franche-Comté.

Membre de la deuxième promotion (2022-2023), Mélanie - qui n'a pas souhaité donner son nom de famille - raconte pour sa part que son ambition "était de dépasser (son) sentiment d'imposteur".

Si le programme ne lui a pas immédiatement permis de monter en grade, "maintenant, je postule en étant convaincue que c'est dans mes cordes", sourit cette agente d'une direction départementale à Toulouse.

- Impliquer les N+1 -

"Toute l'ambition du programme, c'est de lever les freins", embraie Marie, devenue conseillère d'une secrétaire d'Etat après avoir fait partie de la première promotion de "Talentueuses".

Quelques mois après son arrivée au cabinet, elle y a d'ailleurs été rejointe par une autre membre de sa promotion.

Selon la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), parmi les 50 premières participantes, "19 ont changé de poste pour des postes de plus haut niveau entre mars 2022 et janvier 2023, dont deux départs vers le secteur privé".

Des résultats qui font des émules. Après 374 candidatures pour 50 places en 2021, puis 431 en 2022, pas moins de 757 candidates ont postulé en 2023 pour décrocher l'une des 100 places proposées à compter de la troisième promotion.

Une progression qui s'explique par le doublement du nombre de places disponibles en 2023, mais aussi par l'élargissement de l'appel à candidatures aux fonctionnaires des hôpitaux et des collectivités.

Malgré ce succès, des obstacles persistent.

Pour Marie-Aude Stofer (2e promotion), la "sensibilisation des managers" doit ainsi être renforcée.

Promue à un poste d'adjointe au ministère de l'Agriculture après sa participation à "Talentueuses", elle se souvient que pendant le programme, sa hiérarchie se préoccupait surtout de savoir combien de temps elle s'absenterait.

"C'est compliqué de débrancher", grimace-t-elle. "Talentueuses" lui a pourtant permis de nouer des contacts dans un autre ministère où elle songe à postuler.

Selon la DGAFP, 28% des membres de la première promotion n'ont pas eu le sentiment d'être "soutenues par leur environnement professionnel".

A l'inverse, Cornelia Findeisen assure que le programme "Ada" "donne une très forte place à l'implication des N+1 (...) pour garantir que la participante soit vraiment disponible".

Après avoir accueilli six agentes par promotion depuis son lancement, "Ada" vient aussi d'accélérer la cadence et accueille 12 spécialistes du numérique dans sa promotion 2023.

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